Qui sont les bons et les méchants dans la guerre de Syrie ?

Blog de Principia Marsupia, publié le 6 mai 2013

Rebelles syriens en position à Alep, Syrie, octobre 2012 © Freedom House / Flickr-cc

Rebelles syriens en position à Alep, Syrie, octobre 2012 © Freedom House / Flickr-cc

Après avoir voyagé en Syrie cet hiver, et après voir écrit ce que j’ai trouvé là-bas, j’ai reçu insultes et menaces de toutes parts.

Certains m’accusent d’ « impérialisme à la solde des USA ». Pour d’autres, je suis un « laquais d’Al-Assad et du régime iranien ». Et pour fermer le cercle impossible, j’ai été taxé par un troisième groupe d’être un « lâche au milieu des deux factions ».

La simplicité avec laquelle s’analyse le conflit en Syrie m’attriste beaucoup. C’est pour cela que j’ai décidé d’écrire cet article que je diviserai en deux parties :

A) Notes pour ceux qui soutiennent Al-Assad. Et B) Notes pour ceux qui soutiennent les « rebelles ».

A) Quelques notes pour ceux qui soutiennent Al-Assad.

1) Bashar Al -Assad est un dictateur. Bashar est le successeur de son père, Hafez, un militaire qui est arrivé au pouvoir après le coup d’Etat de 1966 et la purge de 1970.

Le 2 février 1982, les Frères Musulmans se sont soulevés contre le régime d’Hafez Al-Assad à Hama. Hafez a bombardé la ville durant 27 jours consécutifs. Environ 20.000 personnes sont mortes, la majorité étant des civils. Hafez Al-Assad a réussi à maintenir le pouvoir qu’il a ensuite cédé à son fils Bashar par l’intermédiaire d’un « référendum » durant lequel il n’y avait pas d’autres candidat, et qu’il a « gagné » avec 97% des suffrages.

2) Bien avant le début de la guerre, les organisations internationales des Droits de l’Homme dénonçaient déjà les abus terribles de Bashar Al-Assad. Par exemple, la détention de centaines d’opposants politiques et le cas des 17.000 disparus depuis les années 1970 desquels on n’a jamais plus rien su. Ici vous pouvez lire les rapports d’Amnesty International sur la Syrie en 2007 et 2008 (plusieurs années avant que le conflit n’éclate).

3) Depuis le début du conflit armé en mars 2011, les troupes de Bashar Al-Assad ont commis de nombreux crimes contre leur propre population :

  • Usage de bombes en grappe. L’armée syrienne a utilisé les bombes en grappe RBK-250/275 et RBK-500 à Tamanea, Taftanaz, Al-Tah, Maarat al-Numan, Tel Rifaat, Deir al-Assafeer, Salkeen, Kfar Takharim, Talbiseh, Rastan, Qusayr, al-Bab.

  • Bombardement d’hôpitaux. Par exemple l’Hôpital Dar al Shifa d’Alep le 21 novembre 2012 ou l’Hôpital de Salma le 15 octobre 2012.

  • Bombardement aérien sur des populations civiles. Durant le temps que j’étais à Alep, les bombardements aériens sur les quartiers de civils étaient une routine quotidienne terrifiante. Je vous recommande de lire ce rapport d’Human Rights Watch où est étudié avec détails une trentaine d’attaques aériennes sur des zones civiles.

  • Tortures et exécutions extrajudiciaires. Depuis le début des protestations, des milliers d’opposants ont été détenus, torturés et exécutés dans un réseau de centres de détention contrôlé par les quatre agences d’intelligence du gouvernement syrien : le Département de l’Intelligence Militaire, la Direction de la Sécurité Politique, la Direction Générale de l’Intelligence, et la Direction de l’Intelligence des Forces Aériennes.

  • Assassinats et enlèvements de journalistes. Des douzaines de journalistes sont morts en Syrie entre les mains des troupes gouvernementales. Certains étaient des correspondants de guerre étrangers très connus (Marie Colvin, Mika Yanamoto, Remi Ochlik, Yves Debay), mais la majorité était des journalistes syriens. Beaucoup d’autres continuent d’être séquestrés. Nous, nous restons sans nouvelles depuis 165 jours de notre ami James.

  • Lancement de missiles balistiques contre les villes. Al Assad a lancé des missiles SCUD contre ses propres villes. Pour vous faire une idée de la taille d’un SCUD, regardez cette photo. Dans la nuit du 18 février 2013n un SCUD est tombé sur le quartier résidentiel de Jabal Badro à Alep. Au moins 47 personnes sont mortes, parmi lesquelles se trouvaient 23 enfants. Pour vous faire une idée de la destruction causée par un SCUD, regardez cette autre photo prise le matin suivant.

B) Quelques notes pour ceux qui soutiennent les rebelles.

1) Le terme de « rebelles » n’a aucun sens. L’opposition armée au régime de Bashar Al-Assad est formée de groupes très différents et avec des objectifs distincts :

2) Bien qu’elle ne possède pas la capacité militaire d’Assad (ils n’ont pas d’avions, de tanks, ni de missiles balistiques), l’opposition a aussi commis de nombreuses atrocités durant la guerre :

3) La révolution syrienne a été initiée par des activistes qui réclamaient démocratie, liberté d’expression, et respect des Droits de l’Homme. Malheureusement, les islamistes radicaux ont eu une position à chaque fois plus proéminente dans la lutte contre Al-Assad.

Les groupes djihadistes sont entrain d’être les plus efficaces dans les combats : ils possèdent des guerrilleros ayant une grande expérience (quelques uns ont combattu en Libye et en Irak), ils sont les mieux organisés et, littéralement, ils n’ont pas peur de mourir.

Depuis que je suis revenu d’Alep, j’ai parlé avec quelques syriens qui ont soutenu la révolution à ses débuts mais qui maintenant sont très effrayés par la dérive islamiste.

4) Si Al-Assad finit par tomber, de sérieuses possibilités existent pour que commence une guerre civile entre les vainqueurs. De plus, que se passera t-il avec la minorité alaouite (à laquelle appartient Al-Assad) ? Après plus de 100.000 morts, comment éviter les revanches et les vendettas ?

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En Syrie j’ai rencontré les personnes les plus courageuses que j’ai connues : des jeunes prêts à mettre leur vie en péril pour nous, des mères qui s’entêtaient à nous inviter à manger alors qu’elles avaient à peine de quoi pour elles. Quelques uns ne sont déjà plus là. D’autres continuent de vivre, mais souffrent de froid, de faim et pleurent ceux qu’ils ont perdu.

C’est pour cela que ça me fait grande peine que les réactions aux nouvelles sur la Syrie (lisez les commentaires dans n’importe quel journal espagnol) terminent toujours en insultes et en idées stupides préconçues.

Traduction de l’espagnol par Jacquemart Guillaume.

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